Qu’est-ce que
la pornographie ?
La définition de la pornographie

Etymologiquement, le terme de « pornographie » signifie « la représentation de la prostitution » car son étymologie grecque est composée de pornê qui veut dire « prostitution » et graphein qui veut dire « l’acte de représenter ».
Dans le domaine de la sociologie et de la psychologie, les chercheurs semblent avoir trouvé un consensus concernant la définition de la pornographie. Cette définition repose sur deux éléments principaux. D’abord, ils définissent la pornographie comme « un contenu sexuel explicite », montrant des organes sexuels au découvert, des organes génitaux excités, ou des représentations publiques – sorties de la sphère du privé – de comportements ou actes sexuels réels.
Par ailleurs, en plus de la définition de la pornographie comme du contenu sexuel explicite, selon la plupart des auteurs, le matériel pornographique se définit aussi en tant que tel parce qu’il est conçu dans le but de créer de l’excitation sexuelle chez la personne qui le regarde. Une majorité de chercheurs issus des domaines de la psychologie, la sociologie et du domaine de la santé sexuelle entre autres, décrivent la pornographie comme du matériel conçu pour fournir de l’excitation et du divertissement à caractère sexuel et pour provoquer des envies de se masturber.
Alors que le contenu érotique est empreint d’une narrative, celle-ci est absente dans le contenu pornographique. Dans ce sens, selon la philosophe Michela Marzano (2007), l’érotisme est un récit du désir (en mots ou en images) qui pousse à la rencontre de l’autre alors que la pornographie ne vise jamais à raconter une histoire, et propose une vision morcelée du corps privé de visage et d’individualité. Elle représente des individus qui ne se reconnaissent pas comme sujets de leur désir et place la personne dans le registre de la consommation. Cette notion de produit et de consommation est donc à prendre en considération lorsqu’on parle de pornographie.
LA PUISSANTE INDUSTRIE DU SEXE
Les productions pornographiques sont conçues de manière à favoriser l’usage en créant de la dépendance
La pornographie est une industrie faisant partie de l’industrie du sexe, qui vise à transformer le fantasme et le désir sexuel en marché. Ainsi, la majeure partie de la production pornographique actuelle est pensée pour encourager sa consommation et en accroître la fréquence, dans une logique avant tout lucrative. Dans ce sens, l’une des caractéristiques essentielles de la pornographie en ligne dominante réside dans sa vocation à générer des profits.
Au fil du temps, l’industrie pornographique s’est développée en tirant parti des avancées technologiques. L’essor du web en 1999, puis l’arrivée du smartphone en 2007, ont favorisé une consommation de masse : la pornographie est devenue gratuite et d’une accessibilité inédite dans l’histoire de l’industrie du sexe. Cette accessibilité accrue a également contribué à élargir le public, permettant aux femmes de consommer davantage ces contenus jusque-là presque exclusivement destinés aux hommes.
Avant Internet, accéder à la pornographie impliquait une démarche bien plus contraignante : acheter un magazine dissimulé au kiosque, louer une cassette VHS ou un DVD dans le rayon X d’un vidéoclub… Il fallait payer, s’exposer, et stocker ces supports chez soi, ce qui limitait considérablement l’usage.
Depuis les années 2000, la généralisation du numérique et la puissance des suggestions algorithmiques ont bouleversé ce rapport : désormais omniprésente, la pornographie s’invite dans le quotidien, accessible en un clic, parfois même sans être recherchée.
Avant, il fallait chercher le porno. Aujourd’hui, c’est le porno qui nous cherche !
La pornographie mainstream
Caractéristiques principales
- Contenus centrés sur la génitalité
- Actes sexuels explicites
- Absence de récit
- Violence fréquente (physique et verbale)
- Phallocentrée
- Homme-dominant / femme-objet
- Présente des pratiques extrêmes
Objectifs
- Divertissement rapide
- Maximisation du plaisir visuel
- Production massive pour un public masculin
La « pornographie mainstream », que l’on peut traduire par pornographie dominante ou hégémonique, regroupe l’essentiel de l’offre diffusée aujourd’hui sur les grandes plateformes pornographiques occidentales, qu’elles soient nationales ou internationales. Les principaux acteurs du secteur, parfois surnommés les « GAFA du sexe » — Pornhub, Tukif, Xhamster, Xvideos ou encore Xnxx — se consacrent exclusivement à ce type de contenus qualifiés de hardcore.
Ce registre présente la sexualité de manière brute et vulgaire, centrée uniquement sur la génitalité. Les personnages n’expriment aucune profondeur psychologique et leurs motivations se réduisent au seul désir sexuel. Le récit narratif est absent, laissant toute la place aux actes sexuels eux-mêmes.
Alors que la pornographie hardcore des années 2000 privilégiait principalement des corps jeunes (moins de 30 ans) et majoritairement caucasiens, les sites actuels élargissent considérablement leur offre. Ils proposent une multitude de catégories mettant en avant une diversité d’âges (par exemple, « ado », « mature », « mamie » et même des contenus pédophiliques), d’origines ethniques, d’orientations sexuelles, ainsi que des pratiques paraphiliques, violentes, incestueuses ou trash (par exemple, « fétiche », « humiliation », « hard sex », « bondage », « nécrologique », « père-fille », « père-fils », « mère-fils », « oncle »). À cela s’ajoutent des pratiques inventées par l’industrie elle-même, comme la catégorie « bukkake ».
L’une des caractéristiques marquantes de la pornographie mainstream est la récurrence de la violence physique et verbale exercée à l’encontre des femmes. La majorité des recherches en analyse de contenu portent sur la violence physique. Ainsi, une étude récente portant sur 4009 scènes issues des principaux sites pornographiques (Xvideos et Pornhub) a révélé que 45 % comportaient des agressions physiques, les plus courantes étant les fessées, les gifles, les tirages de cheveux, l’étouffement et le bâillonnement (Fritz et al., 2020). Dans 97 % de ces scènes violentes, la femme était la cible et réagissait le plus souvent de manière neutre ou positive. Dans 76 % des cas, les agresseurs étaient des hommes.
D’autres recherches confirment cette tendance, en estimant la proportion de scènes comportant de la violence physique envers les femmes à 37,5 % (Klaassen & Peter, 2015) ou encore 43 % (Shor & Golriz, 2019). Enfin, une autre étude met en évidence que la pornographie en ligne comporte deux fois plus de violence sexuelle que les anciens supports tels que les films VHS ou les magazines spécialisés.
La pornographie mainstream propose dans la plus grande partie des contenus une vision d’homme-dominant et de femme-objet. Elle est produite par des hommes pour des hommes et est phallocentrée, le pénis en érection étant le centre de la scène avec l’éjaculation masculine comme unique objectif.
Les pornographies critiques
La prédominance de la pornographie mainstream a favorisé l’émergence d’autres formes de productions, qualifiées de « critiques », qui reposent sur des repères et des récits très différents. Dans les années 1980, au moment des porn wars (guerres pornographiques), des collectifs féministes — d’abord aux États-Unis puis en Europe — ont milité pour une pornographie alternative à celle dominante, où la femme est réduite à l’objet sexuel de l’homme. Ces mobilisations ont progressivement donné naissance à une « pornographie critique », destinée à un public plus varié et proposant un discours en rupture avec la pornographie hégémonique, tout en mettant en avant une plus grande diversité de corps et de styles.
Cette « post-pornographie » constitue ainsi un genre à dimension politique, qui remet en cause les formes établies de sexualité et d’identité sexuelle. Elle s’appuie sur une rhétorique du réalisme et s’inscrit dans un cadre culturel distinct de celui de la pornographie mainstream. Au cours des dernières années, elle s’est considérablement développée, donnant lieu à cinq sous-catégories de pornographie critique.
Toutefois, d’un point de vue sociologique, cette production demeure malgré tout de la pornographie : elle met en scène la sexualité et mobilise les mêmes mécanismes neurobiologiques que la consommation mainstream. Même si son discours encourage une prise de distance, le visionnage active les mêmes circuits cognitifs et physiologiques. Par ailleurs, ces productions critiques n’échappent pas à la logique marchande : elles s’inscrivent elles aussi dans un marché, et leur consommation relève d’un acte culturel et symbolique qui déplace la sexualité hors de la relation authentique et réelle à autrui, pouvant également favoriser l’addiction. Cela illustre un principe central en sociologie : le contexte et l’intention peuvent transformer le sens attribué à une pratique, sans pour autant en modifier la nature fondamentale.
Bien qu’elles se développent progressivement, ces formes de pornographie restent marginales dans la consommation mondiale, largement dominée par les contenus mainstream.
La pornographie alternative
La « pornographie alternative » remet en cause les normes de genre et les standards de beauté. Elle se présente comme une forme de militantisme, où les spectateurs se considèrent comme membres d’une même communauté, impliqués et consentants dans le processus de production. Cette approche efface la séparation traditionnelle entre acteurs et spectateurs. La sexualité qui y est mise en scène se veut avant tout réaliste et authentique.
Caractéristiques principales
- Déconstruit les normes de beauté et de genre
- Approche communautaire et participative
- Authenticité recherchée
Objectifs
- Militantisme
- Inclusion
- Réalisme
- Authenticité
La pornographie dite éthique
La pornographie dite « éthique » est apparue en réponse aux nombreuses critiques adressées à l’industrie mainstream : violences sexuelles, exploitation économique, absence de consentement véritable, standardisation des corps et des scénarios, etc. Certaines plateformes et producteurs se sont ainsi positionnés comme garants d’un contenu « responsable », en mettant l’accent sur la transparence, le respect du consentement, la diversité des représentations et de meilleures conditions de travail pour les acteurs et actrices. Dans ce cadre, ces derniers peuvent choisir leurs partenaires, définir les modalités du tournage et participer plus largement à l’économie de la production. Ils bénéficient d’une rémunération équitable et évoluent dans un environnement où les pratiques sont discutées et validées par toutes les parties.
Toutefois, même qualifiée d’« éthique », cette pornographie demeure intégrée dans une logique marchande centrée sur la captation de l’attention et la monétisation des corps. Elle continue à détacher la sexualité de toute dimension relationnelle réelle. Le danger est que l’argument éthique se réduise à une stratégie marketing, sans remise en cause des logiques de profit et d’exploitation. En l’absence de normes claires et contraignantes, il est difficile de garantir des pratiques réellement respectueuses, ce qui ouvre la porte à une forme de greenwashing moral. Par ailleurs, cette approche contourne une réflexion politique plus large sur la sexualité, l’éducation et la régulation de l’industrie. En définitive, elle tend davantage à atténuer les formes qu’à questionner le fond : la place, les effets et le sens d’une sexualité désaffectée et utilitariste.
Caractéristiques principales
- Transparence
- Consentement explicite
- Diversité des corps et des pratiques
- Meilleures conditions de travail pour les acteurs et actrices
Objectifs
- Respect des personnes filmées
- Production responsable
- Economie plus équitable
La pornographie féministe
La « pornographie féministe » se définit par une approche positive de la sexualité et une représentation respectueuse des femmes. Proche de la pornographie « éthique » dans ses conditions de production, elle se distingue toutefois par sa vocation non commerciale. Conçue par des femmes et pour un public féminin, elle s’appuie sur un véritable récit, met au centre le désir féminin, évite de reproduire les stéréotypes de genre ainsi que les pratiques sexuelles rudes, violentes ou collectives, et valorise au contraire une sexualité plus douce. Le respect du consentement constitue également un élément fondamental de ce type de pornographie.
Caractéristiques principales
- Fait par des femmes pour des femmes
- Récit présent
- Sexualité douce
- Consentement central
- Refus des violences
Objectifs
- Réappropriation féminine de la sexualité
- Critique du regard masculin
- Valorisation du désir féminin
La pornographie artistique
La « pornographie artistique » reprend les conditions de production de la pornographie éthique, tout en mettant l’accent sur les dimensions visuelles et narratives. Elle privilégie des images de haute qualité et des scénarios soignés et réalistes, dans le but de valoriser, à travers le plaisir esthétique, la sexualité des femmes.
Caractéristiques principales
- Soigné visuellement
- Scénarios élaborés
- Esthétique recherchée
- Production qualitative
Objectifs
- Esthétisation de la sexualité
- Valorisation du plaisir féminin et du récit
La pornographie queer
La « pornographie queer » met en scène des personnages à la sexualité dite “fluide”, afin de donner une visibilité à de nouvelles formes de subjectivité sexuelle. Elle déconstruit les codes traditionnels de la masculinité et de la féminité, les mêlant afin de représenter une diversité de corps et de genres non binaires.
Caractéristiques principales
- Sexualités fluides
- Genres non-binaires
- Diversité corporelle et identitaire
- Brouillage des normes
Objectifs
- Visibilisation des identités LGBTQIA+
- Critique des binarités et des normes sexuelles
Sources :
Hernández-Mora, M. (2023). Pornographie en ligne et processus addictifs : contributions théorique, méthodologique et clinique. Thèse de doctorat, Université Paris Cité.
Fritz, N., Malic, V., Paul, B., & Zhou, Y. (2020). A Descriptive Analysis of the Types, Targets, and Relative Frequency of Aggression in Mainstream Pornography. Archives of sexual behavior, 49(8), 3041–3053. https://doi.org/10.1007/s10508-020-01773-0.
Fritz, N., & Paul, B. (2017). From orgasms to spanking: A content analysis of the agentic and objectifying sexual scripts in feminist, for women, and mainstream pornography. Sex Roles, 77(9–10), 639–652. https://doi.org/10.1007/s11199-017-0759-6
Helm, K. (2015). “Women’s pleasure online – kontrastierende Analyse eines ausgewählten japanischen Mainstream- und Frauenpornofilms aus dem Internet.” [Thèse, Université de Vienne]. http://othes.univie.ac.at/36672/1/2015-03-17_0807527.pdf
Helm, K. (2016). Women’s Pleasure Online? A Contrasting Analysis of One Japanese Mainstream and One Women’s Pornographic Film from the Internet. Vienna Journal of East Asian Studies, 8, 33 – 64.
Le Blanc M., Lavigne, J. & Maiorano, S. (2017). Cartographie des pornographies critiques. Genre, sexualité & sociéte, 17. https://doi.org/10.4000/gss.4007.
Marzano, M. (2007). La pornographie ou l’épuisement du désir. Pluriel. Hachette Littératures.