L’addiction à la pornographie est une réalité complexe, mais elle se soigne ! Avec un accompagnement spécialisé, un cadre bienveillant et des outils adaptés, il est possible d’engager un processus de rétablissement durable. Ce chemin nécessite de la motivation, parfois vacillante mais toujours précieuse, et un engagement personnel dans la thérapie. Et surtout, on ne s’en sort pas seul ! Sortir du secret est vital. L’addiction à la pornographie est l’addiction de la solitude par excellence…C’est pourquoi ce n’est pas dans l’isolement qu’on arrive à s’en sortir, mais dans le lien !

Mais…
comment s’en sortir ?

Voici les cinq dimensions essentielles pour se rétablir de cette addiction : 

1. S’entourer
Sortir du secret, entamer une psychothérapie, parler à des proches ou rejoindre une communauté

2. Comprendre
Identifier pourquoi on a cette addiction, comment cela fonctionne dans le cerveau, pourquoi la pornographie l’a accroché

3. Repérer
Détecter les déclencheurs émotionnels, affectifs et contextuels de la pulsion, et cerner les racines affectives (i.e., trauma, insécurités…) et psychologiques (dissociation, impulsivité, TDAH, anxiété, dépression…) de l’addiction

4. Se protéger
Installer des bloqueurs, changer les routines, mettre en place des comportements alternatifs, toujours soutenu.e par un lien de confiance (pas seul !)

5. Réparer
Restaurer l’estime de soi, traiter les racines affectives de l’addiction, dépasser la honte. Réapprendre une sexualité plus libre, respectueuse, consciente.

Pour cela, il est recommandé d’avoir une psychothérapie individuelle et de participer à des groupes de parole et de partage

Informations pour les cliniciens

En termes de prise en charge, il est d’abord nécessaire de mener une fine évaluation clinique au travers  de :

1) une perspective historique et développementale de l’usage 

2) une exploration des mécanismes étiologiques (racines de l’addiction) et des processus addictifs en jeu, en explorant particulièrement les phénomènes de tolérance et de manque,

3) le repérage d’éventuelles comorbidités (troubles psychiques associés, spécifiquement TDAH, TOC, anxiété et dépression), grâce notamment à l’évaluation d’un.e médecin psychiatre.

Ensuite, il s’agira d’une orientation vers les soins adaptés. Nous proposons une approche thérapeutique transdiagnostique, intégrative et pluridisciplinaire, qui prend en considération les différents facteurs psychologiques impliqués dans l’usage. 

Habituellement, la santé mentale ainsi que la vie affective et sociale des personnes aveca addiction à la pornographie sont gravement dégradées. Des prises en charge spécialisées sont donc nécessaires, ciblées non seulement sur les symptômes mais sur les racines de l’addiction (étiologie processuelle et phénoménologique). Par exemple, on sait que les profils anxieux, inattentifs, hyperactifs, ou obsessionnels sont plus vulnérables.

Les thérapiescognitivo-comportementales (TCC) permettent un travail ciblé sur ces aspects.

Il est d’abord nécessaire de comprendre les racines de l’addiction, détecter les gâchettes et cibler ses symptômes. Pour cela, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) permettent un travail ciblé sur ces aspects.

Une analyse fonctionnelle à trois niveaux qui permettrait à la personne de comprendre le fonctionnement de son addiction et de le modifier. 

  1. Le premier niveau explore la dimension cognitive (les pensées dysfonctionnelles, le discours intérieur autour de la sexualité et de l’usage, et l’imaginaire fantasmatique), la dimension émotionnelle (émotions, affects et sensations associées à l’usage) et la dimension comportementale (réponses concrètes et visibles donnant lieu au problème, durée et fréquence de l’usage). Les TCC permettent un travail essentiel de restructuration cognitive sur des biais obsédants permissifs ou de minimisation (i.e., « c’est virtuel donc c’est pas grave », « cela fait bien longtemps que je consomme, une fois de plus n’aura pas d’importance », « tout le monde consomme »), ou au contraire sur des distorsions sur soi (i.e., « je suis un monstre », « sans pornographie je ne peux pas vivre », « si je ne consomme pas je ne pourrais pas m’apaiser ») et sur les autres (i.e., « personne ne pourra m’aimer avec ça »)
  2. Le deuxième niveau consiste en une exploration des facteurs déclencheurs et de maintien de l’addiction ainsi que des croyances addictives en jeu. Il s’agit donc de détecter les stimuli externes (i.e., visuels) et internes (i.e., affects) qui activent la réponse compulsive. Le travail sur les comorbidités anxio-dépressives régulées avec le comportement addictif profite de cette étape. Ce niveau permet de mettre en place des techniques psycho-corporelles adaptées pour la régulation émotionnelle et pulsionnelle. 
  3. Finalement, le troisième niveau correspond à l’exploration des éléments biographiques qui ont pu faciliter le basculement dans l’addiction. Parmi ces éléments, les blessures d’attachement et les traumatismes peuvent avoir une place toute singulière. Parfois, les personnes qui consultent pour cette addiction ont dans leur histoire de vie des évènements traumatiques qui les ont amené à développer des stratégies de survie telle que la dissociation. Cette déconnexion avec soi implique une altération profonde dans la capacité d’intéroception et de régulation émotionnelle et favorise ainsi la compulsivité.


Pour traiter cela, une prise en charge spécialisée est indispensable.
Les thérapies spécifiques à visée d’intégration et réparation des traumatismes (telles que l’EMDR ou l’Intégration du Cycle de Vie – Lifespan Integration (LI-ICV,) sont particulièrement indiquées.

La psychoéducation est primordiale dans cette addiction

Les personnes concernées se sentent profondément impuissantes face à leurs pertes de contrôle, et la compréhension phénoménologique de leur addiction est d’une très grande aide. Par exemple, il est nécessaire qu’ils puissent comprendre en quoi et pourquoi leur usage correspond à une stratégie de coping dysfonctionnelle, ou encore, comment le phénomène de tolérance s’est installé au fur et à mesure de leur parcours dans l’usage, afin qu’ils comprennent les mécanismes en jeu dans l’usage et puissent mettre à distance, pour ceux qui ont franchi le visionnage particulièrement violent ou illicite, l’hypothèse obsédante et fragilisante d’être des « monstres » ou des « pervers ». La transmission des informations (ou éducation stricto sensu) sur la sexualité humaine (basées sur les constats de la science), sur le cadre légal, et sur la conception des supports pornographiques et les propositions des contenus -avec ses spécificités particulièrement addictogènes- est aussi nécessaire.

Dans ce sens, le travail sur la culpabilité et la honte est essentiel puisque ces affects représentent des facteurs d’impact dans le maintien et l’aggravation de l’addiction. Cependant, apaiser la honte ne signifie en aucun cas banaliser le comportement ou minimiser la gravité de l’addiction ! Il ne s’agit pas de « dédramatiser » à tout prix, mais de créer un espace suffisamment sécurisé pour permettre un travail en profondeur. La honte, lorsqu’elle est écrasante, empêche la prise de conscience, fige le discours intérieur et alimente le cycle addictif. La thérapeutique vise donc à déculpabiliser sans excuser, à comprendre sans justifier, et à nommer la souffrance pour pouvoir agir. C’est un processus exigeant, centré sur la responsabilité, la reconstruction et la réintégration de soi.

Cela implique un travail thérapeutique autour de la dysrégulation émotionnelle, les difficultés d’intéroception, la tendance à la compulsivité et à l’évitement expérientiel, dont les efforts pour supprimer les pensées et les émotions désagréables. Il est donc pertinent de mettre en place des thérapies centrées sur les émotions et leur régulation ainsi que des approches expérientielles. L’usage de la pornographie à visée de régulation de l’humeur joue un rôle pivot entre l’usage récréatif et l’usage addictif.

Les groupes de parole
Vous n'êtes plus seul(e)

Le lien thérapeutique est particulièrement important dans le soin cette addiction. En effet, comme dans d’autres conduites addictives, l’objet de l’addiction devient comme « personnifié » au fil du temps. Dans l’addiction sexuelle, la relation saine à l’autre est remplacée par la relation addictive à la sexualité. Ainsi, l’addiction serait une relation pathologique dans laquelle l’obsession sexuelle remplace la personne. De ce fait, le lien thérapeutique peut permettre à la personne de faire l’expérience d’un lien humain sécure et contenant permettant de transformer leur croyance dysfonctionnelle fondamentale « être sécure, c’est être sexuel ».

Des outils pertinents

Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) de troisième vague, telles que la thérapie d’acceptation engagement (ACT) ou la thérapie  de pleine conscience (mindfulness) sont pertinentes afin d’aider le patient à augmenter sa conscience émotionnelle et corporelle au travers d’une régulation adéquate des états psychocorporels qu’il traverse auxquels il a appris à répondre automatiquement de manière sexuelle.

La thérapie centrée sur les émotions de Greenberg, basée sur une approche humaniste, peut s’avérer particulièrement pertinente. Divisée en trois étapes, cette thérapie vise, d’abord, la prise de conscience des émotions que la personne traverse afin de clarifier son expérience émotionnelle et décrypter les informations que cette dernière contient. Ensuite, il s’agit d’apprendre des techniques de régulation émotionnelle. Finalement, il s’agit de transformer les émotions envahissantes ou inadaptées et de les remplacer par des émotions adaptées. Cette transformation nécessite une compréhension cognitive de la situation qui provoque l’émotion, une capacité à restructurer la pensée à son propos, et une flexibilité psychologique pour modifier le vécu émotionnel. 

La thérapie en douze étapes des Alcooliques Anonymes adaptée pour l’addiction sexuelle et pornographique a montré de très bons résultats aux Etats-Unis mais nous n’avons pas connaissance des applications de cette dernière en France autres que dans les groupes de Sexoliques Anonymes. De plus, le modèle des « 30 tâches » pour le traitement de l’addiction sexuelle développé par Carnes (2009) peut inspirer la prise en charge de cette addiction.

Par ailleurs, chez les personnes avec addiction à la pornographie il est souvent nécessaire de favoriser une santé sexuelle et relationnelle, souvent altérée depuis longtemps. La prise en charge sexologique peut être nécessaire. Elle vise : 

  • le traitement des dysfonctions sexuelles très courantes dans cette population clinique, 
  • la mise en place d’activités de plaisir et d’intimité saines, 
  • le développement de l’assertivité et la communication sexuelle favorisant la mentalisation
  • une prise de conscience des propres désirs et une capacité à poser des choix sexuels cohérents avec leur projet de vie, leurs valeurs, et la loi. 
  • une prise de conscience des informations (ou tabous) que la personne a reçu sur la sexualité, les discours familiaux sur le corps et le plaisir, ainsi que son histoire personnelle autour de sa sexualité.

Finalement, tel que l’expose le sociologue Baudry dans son ouvrage L’addiction à l’image pornographique (2015, p.99) : 

« Il faut se demander ce qui signifie regarder du sexe comme à travers une vitrine d’un aquarium, et quel rapport à la sexualité se trouve ainsi engagé. A force de compartimenter la vie sexuelle dans des figures imposées [par la pornographie] c’est le jeu érotique qui semblerait disparaître. Des internautes peuvent affirmer qu’ils séparent ce qu’ils vivent de ce qu’ils voient

Ainsi, autre que les fonctions que la pornographie prend dans l’économie mentale, il est nécessaire d’accompagner la personne dans le déploiement d’un potentiel érotique qui lui est propre, ainsi que de questionner à quel autre besoin sexuel ou identitaire cet usage répond. Par exemple, cela peut répondre à des craintes de l’intimité avec un vrai « autre » ou encore à un rapport inquiet à son propre corps. Tout cela mérite d’être abordé et travaillé dans le suivi psychosexologique de ces personnes.

Sources : Hernández-Mora, M. (2023). Pornographie en ligne et processus addictifs : contributions théorique, méthodologique et clinique. 

Plan d’action

pour un clinicien recevant une personne avec addiction à la pornographie

  1. sychoéduquer sur le cycle addictif et travailler la motivation au changement
  2. Renforcer l’estime de soi du patient. Travailler l’impuissance apprise
  3. Développer l’hygiène de vie, avec une structure quotidienne, des habitudes saines et un soutien social
  4. Détecter les « gâchettes » : déclencheurs internes et externes de l’usage compulsif
  5. Favoriser un nouvel apprentissage : Travailler sur le conditionnement classique et opérant
  6. Restructurer les distorsions cognitives : repérer et modifier les pièges qui favorisent l’usage
  7. Élaborer des stratégies de régulation émotionnelle et psychocorporelles adaptées
  8. Apaiser la honte et la culpabilité morale
  9. Favoriser une intégration adéquate du cadre moral et spirituel de la personne
  10. Développer les compétences interpersonnelles et la résolution de conflits
  11. Traiter les psychotraumatismes (simples et complexes)
  12. Acquérir un  attachement sécure au travers le lien thérapeutique, la connaissance de soi, l’autocompassion, et des thérapies spécialisées si besoin
  13. Travail de prévention des rechutes
  14. Collaboration avec une thérapie sexologique et conjugale si nécessaire
  15. Collaboration avec une prise en charge psychiatrique et un traitement pharmacologique si nécessaire

 

Sources : Hernández-Mora, M. (2023). Pornographie en ligne et processus addictifs : contributions théorique, méthodologique et clinique. Thèse de doctorat, Université Paris Cité ; Villena, A. & Chiclana, C. (2022). Conducta sexual compulsiva: Una mirada integradora. Guía para profesionales. Docta Ediciones.

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