Rencontrer un pair-aidant pour être aidé

Un (ou une) pair-aidant(e) est une personne qui a connu le même type de trouble que vous, qui a pris suffisamment de recul par rapport à cela, et a été formée afin de pouvoir accompagner l’éclosion de ressources chez ceux (ou celles) qui souffrent encore.

Cela peut se mettre en place sous la forme du compagnonnage, où le pair-aidant et la ou les personnes accompagnées cheminent ensemble au même pas. 

Accompagner quelqu’un, c’est aller là où il va avec lui, sans imposer d’itinéraire.

Même si c’est le pair-aidant qui a la tâche de surveiller l’horloge et la boussole, ce n’est pas lui qui dirige les opérations !

“Seul un dépendant peut comprendre un autre dépendant”

Cette phrase peut être entendue dans certains rassemblements similaires aux Alcooliques Anonymes (qui fonctionnent en autogestion, sans encadrement professionnel, ce sont sans doute dès 1935 les pionniers de “l’entre pairs”).

Cela n’est pas vrai à 100%, les soignants formés n’ont pas forcément vécu des choses similaires, mais ils ont de solides notions théoriques et pratiques pour écouter, analyser, expliquer le fonctionnement psychique et comportemental, s’adapter à leur interlocuteur en allant vers sa vision du monde, et proposer des avenues de changement.

La singularité des pairs-aidants réside dans le fait qu’ils ont ÉPROUVÉ des choses similaires et que ce savoir tiré de l’expérience permet une compréhension et une communication, à la fois verbales et non-verbales, enrichies.

L’accompagnement qui entre pair-aidants mobilise la confiance, la connivence, parfois l’exemple. Cela premet une mise en perspective, et de nouveaux horizons avec l’aide d’une personne ayant parcouru une trajectoire similaire.

Le pair-aidant n’est pas dans une “posture” professionnelle, et il (elle) s’adapte au fonctionnement de l’autre tout en restant soi-même. Ce cadre permet de mettre autant en valeur le savoir expérientiel que celui théorique, de même que celui du pair-aidant et celui de la personne aidée, sans hiérarchie. Dans la pair-aidance, l’aventure humaine qu’est l’addiction devient vertueuse, partageable, féconde.

Devenir pair-aidant pour aider l'autre

Il est nécessaire d’avoir suffisamment de recul

Il faut avoir acquis assez de confiance dans ses propres ressources et protections internes, pour pouvoir accueillir l’autre avec empathie sans aller jusqu’à fusionner.

Pour devenir pair-aidant, il est nécessaire d’avoir suffisamment de recul par rapport à sa propre situation pour ne pas se mettre en danger : avoir suffisamment de recul et d’expérience pour ne pas être déclenché par les paroles reçues qui pourraient résonner – ou faire émerger des choses enfouies – en relation avec sa propre histoire.

Il faut avoir acquis assez de confiance dans ses propres ressources et protections internes, pour pouvoir accueillir l’autre avec empathie sans aller jusqu’à fusionner.

Pour une addiction à un ou des produits (comme l’alcool ou la drogue), on peut être tenté de croire que l’abstinence doit être totale et définitive faute de quoi il y aura inévitablement rechute dans l’addiction. C’est une croyance qui a un peu évoluée mais qui est encore répandue. 

Cependant, un certain nombre de personnes arrivent à revenir à un usage maîtrisé, sans perdre le contrôle et sans laisser refleurir les conséquences négatives d’antan. Cela sous-entend également bien-sûr d’avoir du recul et des solides outils et savoirs sur son propre cas !

Dans le cas de la nourriture par exemple, ou du sexe, l’abstinence est à relativiser et ne peut pas être totale et définitive (on ne peut pas ne plus manger du tout !). 

Les zones rouges

Chaque personne qui s’est sortie d’une addiction sexuelle connaît ses zones “rouges”, c’est -à-dire les situations à risque à éviter absolument, et ses zones “vertes”, les situations qui ne risquent pas de déclencher la rechute. Il est important de bien délimiter cela, et rester prudemment à l’écart de la zone rouge (abstinent de ces comportements-là par exemple) mais pas de la zone verte, où une saine régulation doit être mise en place pour éviter que cela ne glisse insidieusement vers la zone rouge. Là encore, l’important est la lucidité et le recul pour que les outils fonctionnent en “pilotage automatique”.

L’expérience personnelle du pair-aidant et sa lucidité vont enrichir la rencontre

 

La compétence du pair-aidant repose d’abord sur la lucidité portée sur son parcours, couplée avec son savoir expérientiel personnel. Ce dernier s’enrichit par celui des personnes qu’il a déjà rencontrées et qu’il rencontrera au fil de son cheminement. 

De la documentation, des lectures, des échanges avec d’autres pairs-aidants sont vivement conseillés pour asseoir les notions, en développer d’autres en supplément, sortir du carcan de sa subjectivité en s’ouvrant à d’autres ressources. Des formations en éducation thérapeutique, en accompagnement de l’autre, sont possibles. Des études de psychologie ou de psychothérapie peuvent être envisagées, mais leur durée ou l’absence de pré-requis pour pouvoir s’y inscrire ne doivent pas interdire l’accès à la position de pair-aidant.

Il existe depuis quelques années des formes “officielles et reconnues” de pair-aidance. Un diplôme universitaire de Médiateur de Santé Pair (MSP) du niveau Licence est accessible à l’université, pour les pairs-aidants en santé mentale mais aussi en addiction. La certification Patient-Expert en Addiction est également possible, ce n’est pas le même niveau de diplôme (accessible sans les mêmes pré-requis qu’à l’université – pas forcément besoin d’avoir le Baccalauréat), mais la reconnaissance de la formation est comparable (la différence est principalement administrative et au niveau du choix des employeurs, pour ceux qui cherchent à en faire un travail professionnel).

« Le témoignage de Luc »

« Après l’épreuve fondamentalement traumatisante qu’a été cette addiction, s’est posée pour moi la question du soin, de la réparation : comment guérir en profondeur mon rapport au monde, à mon corps, mes relations ?

Trouver des ressources dans ce contexte a été un enjeu central.

Après plusieurs années de thérapie et de sevrage, je me suis confronté à la nécessité de m’engager. J’ai ressenti le besoin de transformer mes angoisses perpétuelles en tentative de trouver du sens et de la valeur. Ce premier engagement s’est fait en tant que témoin au sein de l’association We Are Lovers, qui m’a permis de me former et d’intervenir à des fins de prévention auprès de jeunes publics. Cette expérience très forte a été l’occasion d’extérioriser tout un pan de mon parcours profondément enfoui, et d’en faire une aide pour d’autres. Ces rencontres m’ont aussi apporté un décentrement essentiel : le fait de me sentir capable d’aborder ce thème éminemment intime tout en sortant progressivement de ma propre histoire, comme si cette addiction n’était plus « la mienne », mais véritablement une expérience commune qui prenait place dans beaucoup d’autres vies. Ce changement de perspective progressif a été un facteur déterminant dans le choix d’entrer dans la démarche de pair-aidance, lorsque l’occasion s’est présentée de faire partie de l’association Déclic puis du CEFRAAP.

J’ai eu ainsi la chance d’apprendre auprès de professionnels spécialistes de ce sujet et de co-animer plusieurs groupes de parole en ligne.

 

Je trouve la posture et le rôle du pair-aidant particulièrement beaux et riches, parce qu’ils placent l’intervenant au même niveau que les participants du groupe (pas de position « sachant/apprenant »).

Il s’agit d’une forme de compagnonnage où les membres du groupe se retrouvent sur un pied d’égalité pour mutualiser leurs enseignements, leurs doutes, leurs découvertes. Je suis à chaque fois frappé par la qualité et la sincérité de ces échanges, qui me font encore progresser dans ma trajectoire de vie et d’accompagnant.

Quelques questions à se poser pour devenir pair-aidant.e :

  • Où en suis-je dans mon cheminement personnel, vis-à-vis de mon addiction ? A quel point suis-je encore fragile, sensible, à ce sujet?
  • Suis-je prêt à aborder ce sujet ouvertement avec un.e autre?
  • Quelles ont été mes ressources au fil de mon parcours? Quelles sont-elles aujourd’hui?
  • Pour quelles raisons ai-je envie de m’engager?