Idées reçues Vs Vérités

La pornographie est partout : accessible en quelques clics, elle fait partie du quotidien de millions de personnes.

Une partie d’entre elles développent une addiction, autour de laquelle gravitent de nombreuses idées reçues — souvent simplistes, parfois alarmistes. Entre mythes véhiculés par les médias, jugements moraux et réalité des usages, il est temps de démêler le vrai du faux. À travers cette mise au point, nous vous proposons de confronter les croyances populaires aux faits, pour une compréhension plus nuancée et informée de ce sujet complexe.

"Les addicts sont des pervers ou des obsédés."
Non, ce sont surtout des personnes en souffrance qui utilisent la pornographie comme échappatoire émotionnel. Un pervers ne chercherait pas à s'en défaire, et n’exprimerait pas de l’impuissance et de la souffrance. Il trouverait du plaisir dans sa condition et de l’exploitation d’autrui.
"C’est juste un manque de volonté."
L’addiction est un trouble du comportement et non pas une question de volonté. Elle altère le fonctionnement du cerveau. Une de ses caractéristiques de l’addiction est précisément d'empêcher la volonté d’agir alors que la personne est déterminée à cesser son comportement. S’en sortir est difficile et demande d’être accompagné.
"Ça ne touche que les hommes."
Faux. Les femmes aussi peuvent être concernées, même si elles en parlent moins ou le vivent différemment. Certes, la proportion d’hommes avec cette addiction est plus importante, mais le nombre de femmes concernées ne fait qu’augmenter. Cela arrive aussi avec d’autres addictions. Par exemple, l'alcoolisme au féminin, a tardé à se révéler.
"S’ils sont en couple, ils n’ont pas besoin de porno."
Etre en couple ne protège pas de l’addiction. 50% des personnes avec cette addiction sont en couple. Celle-ci peut justement fragiliser la relation. L’impact sur le couple est souvent un révélateur du problème qui ne peut plus être considéré comme un “jardin secret”, et une motivation à chercher de l’aide. Lorsque la personne consulte pour soi, et non pas uniquement pour “sauver le couple”, l’addiction est rarement brandie comme une excuse ou un prétexte.
"Il suffit d’arrêter d’un coup."
Le sevrage peut provoquer des effets de manque importants : irritabilité, angoisse, agitation psychomotrice, altérations graves du sommeil… Le rétablissement de cette addiction est un vrai processus qui demande de “reprogrammer” le corps et le cerveau à ne plus se réguler avec des stimuli sexuels, et les rechutes jalonnent souvent cette rééducation.
"Ils aiment ça, c’est pour ça qu’ils ne s’arrêtent pas."
Beaucoup disent qu’ils détestent ce qu’ils font, mais n’arrivent pas à s’en empêcher. Ils se sentent piégés et profondément impuissants.
"C’est juste un problème sexuel."
Pas vraiment. C’est souvent un symptôme d’un mal-être plus profond : solitude, anxiété, trauma, insécurité affective, carences, habitude de consommer devenue une addiction au fil du temps. Les sexologues sont parfois perplexes car leur formation les mène plus souvent à tenter de déculpabiliser ou banaliser les comportements que leurs clients viennent questionner. Les stratégies de régulation émotionnelle que l'addiction renferme ont des ramifications tentaculaires, touchant bien d'autres domaines que le sexuel.
"Ils n’ont qu’à éteindre leur ordi."
L’accès facile, gratuit et illimité au contenu, la solitude et les habitudes ancrées rendent l’arrêt très difficile sans aide thérapeutique et humaine.
Il a regardé de la pédopornographie, cela veut dire qu’il est dangereux, et pédophile.
Une grande partie des personnes qui ont visionné ces contenus l’ont fait après des années d’addiction sévère, où le phénomène de tolérance s’est installé. Transgresser ou chercher des contenus illicites peut être une manière “robotisée” pour soulager le craving. D’ailleurs, la recherche spécifique du thème de la pédopornographie est rarissime chez les personnes addictes qui demandent de l’aide. Il s’agit plutôt de la recherche de renouvellement du contenu qui mène à une escalade et à se tourner vers des contenus qui n'étaient au départ pas du tout excitants ni recherchés. Faute de trouver des stimuli efficaces, les personnes se retrouvent à se tourner vers des thématiques qui les dégoûtent et sur lesquelles elles tombent sans les chercher intentionnellement. Une évaluation clinique et psychiatrique approfondie et spécialisée est absolument nécessaire pour distinguer ce phénomène d’une véritable pédophilie.
"Addict un jour, addict toujours."
Le cerveau garde toujours une sensibilité aux stimuli qui ont été associés à l'addiction, et il est donc nécessaire de rester vigilant…à vie ! Cependant, la thérapie vise à développer et installer des stratégies alternatives saines et stables qui viennent se substituer à la réponse addictive. Le sevrage est possible ! Les rechutes sont des pistes du travail thérapeutique à poursuivre, jusqu'à ce que la personne ait développé la capacité à colmater ou réorienter ses injonctions compulsives par elle-même, de façon saine et automatique.
"Le contenu des vidéos porno que je regarde viennent me dire quelque chose sur mon identité"
Un film pornographique ne te dira jamais qui tu es, ni si tu es homosexuel ou hétérosexuel. La pornographie n’a pas le pouvoir de répondre à des questions identitaires qui se creusent en profondeur, pendant presque 18 ans de vie ! Ainsi, la pornographie ne dit rien de toi : ni de ton identité, ni de tes goûts véritables, ni de ta valeur personnelle. L’excitation devant un film pornographique quel qu’il soit est réflexe. Il s’agit d’un produit industriel conçu pour exciter quoi qu’il arrive. La consommation de pornographie ne devrait être en aucun cas une source pour clarifier des questions sur soi et sur le monde.
"La honte et la culpabilité morale sont les responsables de l'addiction"
La honte et la culpabilité morale sont souvent perçues comme des conséquences de l’addiction : une personne se juge, se blâme, se sent indigne à cause de ses comportements. Pourtant, ces émotions peuvent aussi alimenter le cycle addictif, en renforçant le mal-être et en poussant à consommer davantage pour les fuir ou les apaiser. Dans certains cas, elles favorisent même le basculement dans l’addiction, notamment chez des personnes ayant des difficultés de régulation émotionnelle, ou lorsque le cadre moral, religieux ou spirituel dans lequel elles ont grandi n’a pas été intégré de manière apaisée et cohérente dans leur vie globale. Il est important de souligner que la morale ou la spiritualité, lorsqu’elles sont bien intégrées, peuvent au contraire être des ressources dans un parcours de reconstruction : elles offrent du sens, un cadre sécurisant, des repères, et parfois un sentiment d’appartenance ou de transcendance qui soutient profondément le processus de rétablissement.